jeudi 3 avril 2008

101 - Avenue Leon Gourdault.

Cette bonne femme m'a glacé le sang.

Pourtant, quel bonheur ce fut que de voir là la déchéance et l’échec total d’une société sur laquelle on ne peut plus compter.

Sous la pluie battante, sa nuque réagissait frénétiquement, comme si son âme ne pouvait plus supporter de vivre dans ce corps qui, fracturé comme celui d’un chien galeux, gigotait au rythme de ces gouttes contre le pare-brise.

Peut-être pleurait-elle ?

Ses larmes, en tous cas, ne pouvaient être mêlées qu’à cette rivière d’eau polluée qui glissait le long de son visage.

Sa main droite, tremblante, donnait au même instant le tempo, image endiablée de la tristesse l’accablant. Elle tenait un gobelet de couleur jaune, et tout comme sa conscience était remplie d’espoir, deux pièces s’y battaient au centre d’une mare qui les noierait dans peu de temps.

Elle cognait cet objet de plastique contre une voiture comme son cœur s’agitait pour réveiller ses entrailles, et ses pieds, chaussés de ballerines de toute beauté, symbolisaient cette cloison dans laquelle elle s’était engouffrée, cernée par des passants qui ne prenaient plus le temps de la regarder.

De la peine, j’en avais. Alors qu’elle admirait son reflet sur le capot d’une voiture bleue, se disant sûrement à elle-même qu’elle était au summum de sa laideur, j’écoutais du bout de l’oreille cette musique qui, comme par enchantement, collait si bien avec cette scène qui resterait à jamais enregistrée dans mes souvenirs.

Dans sa tête, n’ayez aucun doute, elle avait une vue imprenable sur la douleur qu’engendrait une vie ratée.
Dans ma tête, pour sûr, défilaient les images d’un présent trop cruel et choquant.

Faut-il qu’un jeune de dix-sept ans prenne ainsi conscience du pouvoir des larmes ?

Le front réchauffant cette vitre embuée, je vous l’avoue, j’ai retenu mes larmes et prié.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Good for people to know.