dimanche 20 janvier 2008

47. ART HOLE.

Comme chaque soir, ce bâtonnet d’encens enivrera mes sens.

Tout d’abord, il faut qu’une allumette se charge de lui donner vie. Alors la poudre s’embrase, et une petite flamme dorée crépite devant mes yeux comme pour me rappeler que la beauté peut être immense dans quelque chose de si petit : j’en suis jaloux.

Je viens faire violence au feu en soufflant sur lui, et après s’être courbée dans tous les sens pour échapper à ma volonté, la flamme laisse place à un bâton qui prend maintenant toute sa couleur. Un nuage de fumée se fraye un chemin jusqu’à mes narines, et c’est avec une petite grimace que j’accepte d’être plus patient.

Le bout du bâtonnet, maintenant consumé, ne tient plus debout, et se laisse désormais tomber, la beauté à un prix. Soit cette cendre tombe à terre, ou soit elle s’enroule, tenant à sa racine comme à sa vie, pourtant partie en fumée.

J’attends que le bâtonnet soit entièrement avalé pour enfin m’oser à juger le travail de l’homme en pleine harmonie avec la nature.
La lueur rouge disparaît dans un dernier souffle. Les ravages laissés par cette guerre sont d’une perfection rare : la cendre git sur la tablette et l’on peut y voir marqué à l’encre invisible : « FIN ».

Je me concentre alors, puis sans élan, je prends une énorme bouffée d’air en relâchant tous les membres de mon corps.

« Framboise », dites-vous ?

J’y ai vu la beauté même, et n’ai senti rien de moins que de la mélancolie.

46. Ce sera le prélude.

Souvent j’ai rêvé, et je ne cessais de me dire que cela m’était utile. Le rêve se doit d’occuper tout notre Être, et quand nous sourions, c’est lui qui s’offre à nous. Je rêve bien évidemment du bonheur. Instant intouchable, rêve inavouable, c’est cela qui me tortura l’esprit pendant des nuits entières avant que je ne noie cette ivresse dans mes pires cauchemars.

L’industrie du Monde se voulait trop dure. Il ne suffisait pourtant que d’un geste de ma part, un simple cri. C’est une belle forêt qui s’étend devant moi. Je m’assois sur une roche plate, et observe les corbeaux s’échouer contre la cime des arbres.

Ma protégée, seras-tu là ?
Le soleil perçait à travers le feuillage intense, et de ce soleil je ne voyais que la beauté. Je n’en vois que la beauté. Chaque rayon me rappelle un visage, un sourire ; et chaque sourire me rappelle à quel point mon rêve est précieux. Pourrais-je un jour vivre cela en étant simplement lucide ? Je pisse sur la lucidité. J’offre à chacune de mes pensées une part de mes rêves, et quand certains me disent fou parce que je n’ai plus les pieds sur Terre, alors je les plains d’être aussi castrés.

Douce fleur aux pétales rosies par le reflet de mes songes, puisses-tu ne pas être cueillie avant ma mort.

Sur ces arbres s’inscrivent les noms de mes espoirs. Je les caresse de mes yeux, et ils me bercent dans mon illusion. Je ne peux croire qu’un jour j’entrerais de plein pied dans ce brouillard de terre pour m’y noyer jusqu’à l’aube, moment de détresse intime.

C’est quand mes yeux s’ouvrent que je ne pense plus voir. Je tente alors de refermer mes yeux en vain : la réalité aura eu raison de ma foi.

Chacune des feuilles qui tombe me rappelle un souvenir. Lointain, obscur, c’est à chaque fois le même son qui me soulève : une musique orchestrée par les battements de ton cœur. Guidé par la note grave qui vient de frapper mon oreille, je quitte alors ma pierre pour m’avancer vers l’objet de mes désirs : c’est bien de ca que je parle. Puis je lève les yeux, et je vois ton visage.

Le soleil m’éblouit-il ?

Je tends la main pour pouvoir te toucher, mais à chaque battement d’aile tu t’effraies et te caches. Il me semble que les nuages seront de la partie.

Je demande à ce tronc s’il veut me laisser entrer. J’aurais tant aimé te voir un instant, que de tes longs cheveux blonds, d’où s’échappent les merveilles du monde, je puisse profiter. Je n’ai cessé un instant de penser à cette bouche, légèrement ouverte à plein temps, qui me disait si souvent que tout cela était impossible. Tes longues dents, qu’on dit être celles du bonheur, sont les premières à m’avoir ainsi parlé : alors que je tremblais, elles m’avaient promit le ciel. Tes yeux, d’un brun profond, me rassuraient. Ils me disaient que tu serais là tout le temps, à attendre ma venue. Pour finir, tes mains, oui tes mains, je ne les ai jamais vues. Je n’ai jamais osé dire à ceux qui me le demandaient que c’était là mon rêve : celui que tu me prennes par la taille, et qu’ensemble nous puissions danser sur cette mélodie qui m’avait mené à toi. Avais-je tort ?

Je crois plutôt que je suis trop orgueilleux, my Dear.

L’arbre laisse alors apparaître une nature pourpre, je vois ton corps étendu sur le sol. Le soleil était pleinement à ton avantage maintenant que tu gisais sur le sol. Pourtant, je ne pouvais approcher de toi. C’était comme s’il me manquait une permission : celle de rêver pour toute une éternité. Et si tu me disais d’approcher ? J’ai besoin qu’on me donne la force de croire en mes rêves. J’ai besoin que tu me la donnes.

Quand, enfin, j’entrepris de marcher vers toi, mon corps s’enfonça dans le sol, et je ne me débattis même pas. Je sentais que tu voulais que je parte. Le voulais-tu vraiment ?

Ma nuque était pleine de sueur qui arrosait en moi le feu de cette passion bien trop dévastatrice. J’étouffais petit à petit, et je ne voyais plus les rayons du soleil qui à eux seuls me tenaient en vie.

Je pris un morceau de terre, et le mis dans ma bouche. Si je meurs aujourd’hui, pensais-je, j’aurais au moins eu la chance de goûter à cette terre que tu avais foulé de tes pieds nus, et qui me donnaient au moins la force de vivre.

Non, je ne pouvais abandonner. Je suffoquais de ne pas avoir su m’accrocher à ce rêve qui était le moteur de toutes mes envies, de toutes mes peurs, de toutes mes sueurs. Je prenais maintenant une autre poignée de cette terre, et la posais sur mon cœur. Je me sentais libre, et mes mouvements allaient au rythme de cette musique à laquelle je ne faisais plus attention.

Maintenant que j’étais là, je me rendais compte que ce son n’était autre que ta voix. Douce et qui me faisait pourtant tant de violence, ta voix me guiderait.
Je continuais à remuer la terre pendant qu’elle m’écrasait ; cette partie pour mon ventre, qui me réveille à chaque fois qu’une pensée m’endort. Cette partie pour mes yeux, qui n’avaient pour lumière que tes longs cheveux dorés. Et cette partie pour mon âme, qui pleurait depuis maintenant trop longtemps ta disparition.

Je sentais que je perdais le contrôle. Je n’avais su me battre pour toi, et tu m’anéantissais de par ta foudroyante colère. Comment aurais-je pu savoir ?Dis-le moi ?

Je pleure toutes mes larmes pendant que je vois mes espoirs s’en aller. C’est mon cœur qui se déchire alors que tu es là, inerte, au-dessus de moi.

Tu respires l’air libre de la vie tandis que je me meurs de n’avoir su prendre ta main. Et mes larmes remontèrent jusqu’à toi et te firent revivre une ultime secousse, un tout dernier battement.
Je m’en rendis bien compte : j’étais maintenant en vie. J’étais désormais libre.

samedi 5 janvier 2008

45. Amen

Qu'elle souffle, la tempête sur le champ dévasté.
Qu'il crie, le môme atteint par la balle.
Qu'elle pleure, la femme atteinte au coeur.
Qu'elle continue, et là, je crierais.